Introduction: Le frugalisme
N’avez-vous jamais remarqué que ce qui vous freine le plus dans vos rêves est souvent l’argent ? Puisqu’il ne reste rien à la fin du mois, on se dit qu’on ne pourra jamais financer un projet ambitieux. On arrive à se convaincre que « si certains partent en tour du monde, c’est sans doute qu’ils sont plus riches que nous ». On croit que si on gagnait plus, on ferait ce qu’on voudrait et qu’on serait enfin libre. On se persuade qu’on « irai voyager quand on gagnera 1000€ de plus par mois », alors on se laisse emporter dans la Rat Race: on travaille dur, on enchaine les promotions et quand à 60 ans on prend enfin le temps de regarder en arrière, on se rend compte que rien n’a changé dans notre mode de vie depuis nos 20 ans, excepté la marque de notre voiture, la taille de notre maison et le nombre de fois où on va au restaurant. On échange l’opulence contre notre temps précieux auprès d’un employeur qui a le bon goût de nous en rendre 5 semaines chaque année. On se plaint de ne pas avoir assez de congés, en oubliant que si on ne dépensait pas tout notre salaire dans des futilités, on pourrait se payer un paquet de « sans solde ». La société nous place des œillères dirigées vers le toujours plus, toujours mieux, qui nous amène à subir une existence d’éternelle insatisfaction, constamment en quête de combler une insatiable soif de pouvoir que même les milliardaires n’ont pas su satisfaire. On délaisse le sens jusqu’à pousser la pierre de Sisyphe si cela nous permettait d’acheter la dernière Porsche. Et lorsqu’on atteint la consécration, la gloire et la richesse absolue, on meurt d’une overdose ou d’un suicide à 27 ans le jour où on réalise que notre existence basée sur le toujours plus est vaine lorsqu’on a déjà tout. La richesse est une carotte qu’on tend à ceux qui n’osent pas réaliser leurs rêves.
Paradoxalement, les seuls qui se placent à contre-courant son moqués tels des aliénés quand ils se pointent au boulot avec une vieille Dacia d’occasion, et acclamés comme des héros quand ils partent à la retraite à 40 ans. « Mais comment t’as fait ? » leur demande-t’on alors innocemment. Puis on se déçoit de la simplicité de leur réponse « j’ai dépensé avec parcimonie ». Ceux-ci se nomment « les frugalistes » . Leur philosophie de vie est basée sur le retour à l’essentiel, en adoptant un niveau de vie « suffisant » . Ils valorisent les expériences plutôt que les possessions matérielles, et dédient leur vie à ce qui fait du sens pour eux. Ils ont compris que du « toujours plus » ne pouvait découler que de la frustration, alors ils se contentent de moins. Ils ont identifié leurs vraies sources de plaisir saines et infinies: leur famille, leurs amis, leurs passions et leurs rêves. Il suivent à la lettre leur pyramide de Maslow, en résistant contre les désirs consuméristes malsains symptomatiques de notre système économique.
Comment devenir frugaliste ?
1) Mesurer ses dépenses
Bien que l’on soit souvent persuadé de maîtriser nos sous, on est parfois incapable de dire combien est parti dans chaque poste de dépense. Afin de prendre des nouvelles habitudes permettant de mettre l’argent là il est le plus utile, il faut commencer par mesurer ses dépenses. Si vous avez déjà une comptabilité d’acier, vous pouvez passer ce chapitre et vous rendre directement au suivant.
L’activité consiste simplement à lister et catégoriser ses dépenses afin d’avoir une vision d’ensemble en fin de mois. 3 outils s’offrent à vous:
- L’application de votre banque: Quasiment toutes les banques proposent aujourd’hui une fonctionnalité de suivi des dépenses. Inconvénient: Ne fonctionne que si vous utilisez la carte bancaire uniquement et que vous n’avez qu’une seule banque, car elles permettent rarement d’intégrer les dépenses réalisées en cash ou avec d’autres comptes.
- Une application tierce telle que Bankin’ ou Linxo: Celles-ci permettent d’importer les relevés de tous vos comptes et de saisir vos dépenses en liquide
- Un template excel comme celui de Radin Malin
2) Prendre le contrôle
Sans nous en rendre compte, certaines de nos décisions sont prises par défaut sur base de décisions précédentes ou d’éléments extérieurs irrationnels. La preuve étant que parfois, lorsqu’on revient sur l’un de ses choix, on se rend compte qu’il n’avait pas été fait en utilisant des critères concrets, mais plutôt au « feeling ». Je vous propose un ensemble de concept-clés qui permettent de prendre ces mêmes décisions de manière plus conscientisée, plus rationnelles, plus en adéquation avec vos désirs réels et moins basé sur des impulsions ou des intuitions.
Concept clé n°1 : Ratio Plaisir/Sacrifice
Lorsqu’il s’agit de dépenser pour se faire plaisir, l’idée est de faire en sorte d’obtenir le meilleur ratio plaisir/sacrifice possible. C’est-à-dire obtenir le maximum de satisfaction en dépensant le moins possible. Tire-t’on réellement 5x plus de satisfaction d’un Iphone à 1000€ plutôt qu’un Android 5x fois moins cher ? Les 800€ de différence ne nous auraient-ils pas plus comblés s’ils avaient été investi dans des plongées sous-marine en Thaïlande ? Il s’agit d’une forme d’optimisation, car les ressources de tout à chacun sont limitées et doivent donc être utilisées de la manière la plus efficace.
Concept-clé n°2 : Corrélation Temps/Argent
Admettons que votre lave-vaisselle soit défectueux. Dans cette situation, il y a deux options :
- Donner 300€ à un réparateur pour qu’il règle le problème à votre place
- Le réparer vous-même en sachant que cela demandera un certain effort d’apprentissage, une bonne après-midi de travail et une pièce à 35€
Souvent quand on a ces 300€ sur notre compte, on serait tenté d’appeler le réparateur parce qu’on a « pas envie de s’embêter ». Eh bien je crois que c’est là qu’on réfléchit à l’envers : On a tendance à admettre que notre salaire mensuel est un acquis, et que ce qui reste à la fin du mois peut ou doit être utilisé. En fait nous oublions le temps que nous passons à travailler pour obtenir ce salaire (voir concept clé n°2). Pour une personne au SMIC, ces 300€ représentent 4 jours de travail. Réparer la machine soi-même revient à perdre une après-midi, plus l’équivalent d’une demi-journée de travail pour acheter la pièce défectueuse, soit l’équivalent d’une journée. Appeler le réparateur coûte donc 3 jours de travail en plus. Avec cette économie on peut:
- Soit se faire plaisir avec les 265€ de différence ou les utiliser pour d’autres choses
- Soit ne pas les dépenser et prendre 3 jours de congés sans solde
La conclusion de cette démonstration est que le temps est intimement corrélé à l’argent. Le « taux de change » entre les deux étant votre taux horaire salariale net.
Une autre situation : Vous êtes dans la voiture et devez choisir entre les départementales (gratuites) et l’autoroute qui fait gagner 20 minutes mais coûte 10€. Si vous êtes au SMIC, une heure de votre temps vaut 10€ net (en tout cas c’est le prix auquel vous le vendez à votre employeur). En choisissant l’autoroute, vous aurez travaillé une heure complète pour vous payer une économie de 20 minutes de trajet. Soit une perte de 40 minutes. Attention: Notre temps ne vaut pas toujours la même chose en fonction du contexte. Par exemple dans la situation précédente, si vous prenez la route pour emmener votre femme à la maternité, les 20 minutes d’économies valent de l’or, puisqu’il s’agit d’une situation d’urgence. Vous seriez prêt à payer cher pour arriver plus vite à votre destination.
Si le temps était la monnaie réelle en circulation, comme dans le film « Time Out », nous aurions moins de mal à percevoir le sacrifice que représente certaines dépenses.
Concept-clé n°3 : Coût d’un objet ≠ Prix d’achat
Quand on achète quelque chose, on considère souvent que les coûts de l’objet se trouvent dans le prix d’achat et dans les coûts de maintenance. Les comptables raisonnent de manière différente. Si vous achetez une voiture, vous pourriez la revendre au même prix le lendemain (à moins d’avoir fait une mauvaise affaire). Cet argent n’est donc pas « perdu » à ce stade, mais transféré du compte en banque (sous forme d’argent liquide) vers la propriété d’une voiture (sous forme de bien matériel).
Les coûts réels de cette voiture (et de n’importe quel objet) sont en fait :
- Les coûts de maintenance : Le montant qui doit être investi dans l’objet chaque année pour qu’il continue de fonctionner
- La décote (ou dévalorisation) : Combien l’objet aura perdu de sa valeur au bout d’un an
- La prise de risque : Ce coût est la probabilité de perdre ou de détruire l’objet en question. Il est directement proportionnel à la valeur de l’objet. Il correspond :
- Soit au coût mensuel d’une assurance tout risque
- Soit à la probabilité de devoir racheter un objet similaire au même prix
Reprenons l’exemple de la voiture. Admettons que :
- Le prix d’achat soit de 20 000€
- La décote soit de 2000€/an (la voiture vaut 2000€ de moins chaque année)
- L’assurance tout risque coûte 1000€/an
- Les réparations de la voiture coûtent en moyenne 1000€ par an (vidanges, entretien, réparations extraordinaires, …)
Le coût réel du véhicule est donc : décote + assurance + maintenance = 2000€ + 1000€ + 1000€ soit 4000€/an. Si la location d’un véhicule similaire coutait 3000€/an, il serait plus rentable de le louer.
Important : J’explique dans l’article Investir que l’immobilisation des 20 000€ consiste également en un coût, qui correspond : soit au taux d’intérêt d’un crédit (si vous devez emprunter pour acheter la voiture) soit à la rentabilité des investissements que vous auriez pu faire avec les 20 000€ (si vous les possédez déjà).
3) Remettre en question ses dépenses
Sur base des concept-clés abordé plus haut, il est temps d’analyser ses plus gros postes dépenses. Faites des coupes budgétaires sur ce qui ne vous semble pas important pour libérer des sous pour des projets plus essentiels. Voici des idées pour réduire les dépenses dans les postes les plus importants:
- Maison: Si votre loyer est cher, qu’est-ce que vous perdriez à déménager dans un logement plus abordable ? Si c’est de la place, considèrez si les pièces supplémentaires vous apportent vraiment quelque chose. Si c’est le positionnement, vérifiez si l’économie de vivre plus loin du boulot ne compense pas le temps de trajet. Pour les plus extrêmes, il existe des habitats alternatifs (tiny house, colloc, …) qui sont beaucoup moins cher qu’un logement traditionnel.
- Voiture: Mon approche concernant les voitures a toujours été d’acheter l’option viable (c’est à dire avec au minimum les normes de sécurité moderne: Airbag, ABS, …) la moins chère possible et la réparer moi-même. Souvent une voiture d’entrée de gamme ayant 15 ans environ et me coutant à l’achat entre 1000€ et 2000€. En reprenant les 3 coûts du concept-clé n°3, voici les avantages de ce choix:
- Maintenance: Seulement les prix des pièces et un peu de mon temps. Je peux cependant comprendre que tout le monde n’ai pas envie de passer du temps sous sa voiture. Je pense que réparer doit être un plaisir et non une contrainte. Mais même dans le cas où la maintenance est déléguée au garagiste, ce coût resterait largement moins élevé que la décote d’un véhicule neuf
- Décote: A ce prix d’achat, la voiture ne décote plus (elle peut difficilement valoir moins de 1000€ si elle fonctionne)
- Prise de risque: La faible valeur de la voiture m’épargne une assurance tout risque et ne me fait courir que le risque de perdre 1000€ en cas de vol ou d’accident. Aussi, les dégradations mineures ne m’importent pas plus ça (puisqu’elles ne font pas décoter la voiture à outre mesure). En plus des économies, j’ai l’esprit tranquille et ne me stresse pas si quelque chose arrive. Au pire des cas, j’en rachète une autre à 1000€.
- Nourriture: Si vous avez beaucoup commandé ou mangé au restaurant, dans quelle mesure ces dépenses ont-elles apporté une valeur ajoutée face à d’autres passions ?
- Plaisirs: Remettez en question le ratio plaisir/sacrifice (concept-clé n°1) de toutes ces dépenses. Une partie de cet argent ne pourrait-elle pas permettre de financer un projet plus important ?
4) Faire des économies
Après avoir traité les dépenses à leur origine, on peut s’occuper des petites économies. Si par exemple en prenant le temps de comparer tous vos abonnements avec la concurrence vous parvenez à économiser quelques dizaines d’euro par mois, c’est toujours ça de gagné pour financer vos projets. Voici des blogs qui proposent de nombreuses astuces pour faire des économies:
Vincent, cela a tellement de sens et ta maturité me régale. Tu as tout compris malgré ton jeune âge. Bravo à toi. 😘